Lettre ouverte: Nous sommes des personnes, pas des statistiques!

6 décembre 2016

À l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, une lettre du Mouvement  PHAS a été publiée dans la Presse : http://www.lapresse.ca/la-tribune/opinions/201612/01/01-5047155-nous-sommes-des-personnes-pas-des-statistiques.php

Malheureusement, la rédaction du journal a coupé de grands extraits. Vous trouverez plus bas la version intégrale de notre texte ainsi que les références sur lesquelles nous appuyons nos affirmations.

Vendredi dernier aussi, il y a eu une conférence de presse tenue par le Comité régional des associations pour la déficience intellectuelle (CRADI) de Montréal à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées. Des groupes de défense des droits et des parents ont pris la parole la parole au sujet du désengagement de l’État face aux personnes ayant une déficience intellectuelle ou un TSA, particulièrement au niveau de l’hébergement.

Le communiqué: http://mouvementphas.org/actions/hebergement-des-personnes-handicapees-plusieurs-groupes-et-parents-sinquietent-du-desengagement-constant-de-letat

Les photos: https://www.facebook.com/CRADI-1425399544424976/photos/?tab=album&album_id=1655264884771773

 

Lettre du Mouvement PHAS

2 décembre 2016

Nous sommes des personnes pas des statistiques

Un article (1) paru cette semaine s’inquiétait de la possible manipulation des listes d’attente en chirurgie afin d’éviter qu’un établissement soit pénalisé financièrement s’il n’atteint pas les cibles imposées par le ministre de la Santé.

 
Le problème quand on exige des établissements qu’ils soient performants pour toucher du financement, c’est qu’ils fassent des pieds et des mains pour dire au ministre ce qu’il veut entendre. Nous comprenons bien qu’imposer une pénalité empirerait la situation pour les usagers en attente de services.

 
Le ministre Barrette refuse de croire que les hôpitaux et les médecins puissent succomber à la tentation de manipuler les listes d’attentes et les statistiques pour répondre aux attentes ministérielles.

 

 

Pourtant, le cas des personnes en situation de handicap est éclairant. En 2008, le MSSS mettait en œuvre le Plan d’accès aux services pour les personnes ayant une déficience dans l’objectif d’améliorer l’accès aux services et de réduire les listes d’attente. Ce plan fixait des délais d’accès à respecter pour un premier service : entre 3 jours pour le niveau de priorité urgent et 1 an pour le niveau de priorité modéré. Ainsi, on retire la personne de la liste d’attente lorsqu’elle accède à un premier service malgré qu’elle continue d’attendre jusqu’à des années pour les autres services requis. Dans la conception même du plan, il y un biais qui tronque la réalité.

 
Le plus beau c’est qu’en 2012 le Ministère a publié un rapport d’évaluation relatant les témoignages des responsables chargés de l’atteinte des résultats fixés par le Plan d’accès (2). Si vous le permettez, citons quelques extraits de ce que les gestionnaires d’accès avaient à dire sur la question.

 

D’entrée de jeu « … pour une cadre supérieure, il est certain que devant les suivis très serrés basés sur le 1er service, les établissements ‘‘font toutes sortes de patentes pour que ça marche’’, ce qui génère des ‘‘effets pervers’’ ». Quel genre de patentes?

 

« La priorité est mise sur le plan d’accès, l’accès à un 1er service. L’établissement, qu’est-ce qu’il fait quand il a à choisir où mettre ses priorités pour desservir sa clientèle? Il va choisir les gens qui n’ont aucun service et qui répondent aux critères plutôt que de mettre ses énergies à compléter un plan d’intervention. Ça c’est un méchant effet pervers ».

 

Pour répondre aux objectifs du Plan d’accès, notamment de donner un premier service à l’intérieur du délai prescrit : « Le service donné n’est peut-être pas celui qui est prioritaire, mais plutôt celui qui est disponible ». Pourquoi? « C’est que t’as un choix à faire pour être performant. J’ai rencontré tous les gestionnaires de la liste d’attente et je leur ai dit : le ministère nous monitor, c’est passed or failed. C’est la consigne qu’on donne aux intervenants. Si ton délai de 30 jours est dépassé […], et bien il est trop tard, donc passe à l’autre parce que lui il va remonter ta moyenne plutôt que de prendre celui qui était dû ».

 
C’est en se basant sur des statistiques qui déforment la réalité que les politiciens minimisent les critiques des groupes communautaires, des syndicats et des employés du réseau : « Ma crainte, c’est qu’avant, je pouvais dénoncer. C’est comme si là, je me fais dire : Regarde les chiffres, ils disent que tout le monde a été servi, il n’y plus personnes en attente ».

 
C’est effectivement ce qui s’est passé en commission parlementaire lorsque Dominique Vien, l’ex-ministre déléguée aux services sociaux, répondait : « [le] plan d’accès de 2008 […] Alors, ça, c’est une action de notre gouvernement dont on peut être très fier, parce qu’aujourd’hui la résorption des listes d’attente est aux alentours de 99 %, aussi bien dire que c’est presque la perfection… ».

 

Presque la perfection, vraiment? Alors que nous soulignerons la Journée internationale des personnes handicapées le 3 décembre, rappelons qu’au-delà des chiffres il y a des milliers de personnes et de parents en attente de services, et qu’il reste du chemin à faire pour l’inclusion sociale, scolaire et professionnelle des personnes en situation de handicap.

Olivier Martin et Mathieu Francoeur

Mouvement des personnes handicapées pour l’accès aux services (PHAS)

Sources :

1) http://www.ledevoir.com/societe/sante/485850/listes-d-attente-medecine-comptable

2) http://fedekrtb.ca/doc/evaluationplanacces.pdf